TRANSHUMANCE
Digne-Nice / 9 au 19 mai 2016 / 210 km, 10000m de dénivelé
Une randonnée, un pèlerinage, une pérégrination, une exploration, un voyage pédestre, une traversée, une expédition, une errance ? Non, une transhumance puisqu’il s’agit d’un troupeau, d’une bergère, de haute Provence et du mois de mai. Puisqu’il s’agit aussi de gagner les alpages, et surtout de marcher.
Objectif : partir de Digne et marcher vers le sud est, en direction de Jérusalem. Mais on s’arrêtera à Nice, promis. Surfer sur les grandes vagues pétrifiées des Alpes du sud qui séparent le bassin de la Durance de la grande bleue. Monter, descendre, monter descendre. Seigneur donnez nous nos mille mètres de dénivelé et nos vingt cinq kilomètres quotidiens. Le soir, trouvez-nous un dortoir avec lits superposés et sonorisation nocturne garantie, pas un hôtel de charme. C’est ce pain là qui nous différencie du vulgum pecus[1], mes frères, c’est pour cela que nous marchons.
Faute d’une génuflexion avec prière pour qu’il fasse beau, à la chapelle St Michel, au sommet du Cousson, nous aurons un temps médiocre : mais nous avons beaucoup de laine sur le dos, les bergeries de passage se révéleront confortables et la bergère, d’une patience et ténacité de haute volée, nous conduira à travers pluie, bise, froid et brouillard heureusement entrecoupés de soleil vers… la ville de la consom, du fric et des palaces justement, bref, la promenade des Anglais, déserte car tout se passe à Cannes cette semaine pour cause de festival.
Monter, descendre. De beaux alpages et des crêtes aériennes. Rien à redire. Après le Cousson, nous avons gravi le col des Pierres Basses, le pas de la Faye, 1690m, le col de Seounes, 1385m, La Colle St Michel, le Puy de Rent, 1996m, sommet de notre pérégrination, le col de St Jean du Désert, la crête de Gourdan, la brèche St Martin, la crête du Cheyron, 1513m et le Puy des Tourettes.
Monter descendre. Marcher sur les pierres, dans la boue, sur des aiguilles de pins, sur des chemins confortables ou des sentes raides de chèvres, toujours marcher. Regarder le galbe parfait des mollets de la brebipède qui est devant vous et constater qu’il n’y a pas la moindre trace de varices. Si on lève la tête, au risque de trébucher, un vrai bonheur. Foule silencieuse des grands hêtres sur leur tapis mordoré en face nord, forets de pins gangrenés par les chenilles processionnaires, menu fretin omniprésent et endogène des buis, chênes plus clairsemés et torturés, mélèzes encore grelottants de l’hiver où pointent les aiguilles vert tendre et des boutons roses fuchsia. Au dessous, un tapis mille fleurs : coucous, fritillaires, anémones, lances blanches des asphodèles, globulaires naines bleues, sorbiers, églantiers délicatement roses, seringats et aubépines désespérément blanches, cystes violettes sur un feuillage vert de gris, valériane et trèfle roses, cytises, céraistes et potentilles jaunes, gentianes et véroniques bleues, épervière jaune et, luxe suprême, la générosité des pivoines fuchsia ouvertes sur leur cœur d’or… et du thym partout, bon sang j’allais l’oublier !
Monter, descendre. Les hommes ont déserté ces paysages, un peu mornes sous un rare soleil, mais toujours renouvelés. Partout des traces d’une civilisation rurale disparue, chassée par ce qu’on appelle le progrès de ces vallées perdues, de ces paradis ascétiques chantés par Giono : ruines de restanques, de bergeries, de hameaux. Non encore envahis par les touristes estivaux, les rares villages, semblent en hibernation. Sites en nid d’aigle, espaces publics bien entretenus, fontaines sonores, jolies chapelles, gardés par des maisons fortes cossues. Entrages, première conversation avec un autochtone au balcon, chapeau de paille sur un tas de graisse ; Annot tassée autour de son église sous ses falaises de grés ; St Jean du Désert, ermitage attendant dans une solitude hautaine et orageuse le pèlerinage estival d’une secte d’illuminés, nostalgiques d’histoire médiévale ; Entrevaux serrée dans sa robe de pierre et d’eaux vives, écrasée par le nid d’aigle de la citadelle inexpugnable du grand Vauban, rues étroites, cathédrale à nef unique et chœur pentagonal baroque tout en dorures ; le Castellet St Cassien, avec au pied de la demeure seigneuriale, une châtelaine en chaise longue faisant la sieste sous un tilleul bicentenaire ; Amirat en balcon sur un très large paysage encore baigné par les vapeurs de la nuit, Collongues et sa plaque à un homme de bien ; Sallagriffon surveillant le coup de sabre de sa clue ; Aiglun retenu par le fil de la route sur la pente pierreuse d’une gorge, Gréolières en balcon sur le Loup, Cipières écrasée par son haut château parfaitement restauré, Courmes au bout d’un aqueduc posé au sol, ouvrage extraordinaire par sa longueur et la difficulté du terrain traversé, qui approvisionnait Grasse en eau.
Marcher et s’arrêter enfin. L’arrivée au gite est toujours la surprise du jour et du chef. A Courmes, chambre d’hôtes chic pour bobos, musique d’ambiance choisie, apéritif personnalisé et mobilier recherché ; à Aiglun à l’auberge du Calendal, chez Eliane et Rocco, c’est plutôt la France provinciale des représentants de commerce des années 80. Démerdez-vous à Amirat : bouffe industrielle en portions individuelles sorties du congélateur et passées au micro onde. Aux Robines, le maître de maison, crâne rasé mais tchatche fournie, était plus à l’aise aux fourneaux que dans ses comptes. Après 10h30 de marche, 35km, 1500m de dénivelé et une arrivée sous une pluie glacée à la Colle St Michel, la soupe de légumes, les lasagnes onctueuses (sans béchamel, mes sœurs, souvenez-vous : de la crème seulement) et le fromage blanc devant un feu de bois étaient enfin une bénédiction du ciel. Confondant ballade en vers et balade à pied, un distrait a bien tenté de ponctuer ces repas vespéraux par quelques alexandrins de Baudelaire. Mais Les Fleurs du mal sont trop vénéneuses pour un troupeau en quête de bouquets plus naturels et photogéniques.
Dernier repas en commun dans une brasserie à coté de la superbe place Masséna rose de plaisir, nuit au Negresco et retour aux voitures laissées à Digne par le train des Pignes et les gorges du Var. Vous pouvez enlever vos chaussures. Reposez-vous, mes frères, on a fini de marcher. Un bêlement de satisfaction à la bergère et à son fidèle acolyte. Woodigne Allen
De gauche à droite: Alain, Bernard, Pierre, Valérie, Danielle, Agnès, Elisabeth, Michel, Brigitte, Allen (au départ en gare de Digne)
Dimanche 24 avril 2016
La sortie de Danielle fut concomitante avec la journée nationale "de ferme en ferme"; nous avons goûté différentes variétés de pommes du Pilat: une surprise et un réel plaisir
Pique nique au soleil !
"L’eau est utilisée comme force motrice dès le XVIIème ; elle permit ainsi le développement des usines de moulinage de la soie qui firent toute la grandeur et la renommée de Pélussin"
Merci Danielle pour cette randonnée bucolique et culturelle
Mardi 19 avril 2016
23km et 850m de dénivelée avec une équipe du mardi très tonique,; photos de Germain .....comme il sait si bien les faire; mais l'appareil l'a aussi surpris !
Autour de Jarnioux, une escapade pastorale entre gouttes et vieilles pierres, lumières contrastées et fruitiers encore en fleurs.
Du 2 au 6 mars 2016
Super séjour avec une météo clémente quasiment tous les jours malgré le mauvais temps annoncé surtout à la frontière!
Une neige souvent idéale, des descentes dans une poudreuse de folie et des cols, sommets et vues MAGNIFIQUES.
Un groupe vraiment sympatique et pour coronner le tout un hébergement chaleureux digne de l'Italie!Il va falloir explorer d'autres vallées italiennes...
Voici une sélection de photos:
https://goo.gl/photos/FbNAMn9K97djtKRbA