C comme CERCES ou CONSIDERATION

Retour à Lyon, aux feux rouges des bagnoles dans les bouchons à l’approche de Grenoble, aux élections européennes sur France inter, à l’hélicoptère qui ronflera tout l’après-midi au dessus de la ville pour surveiller la manif des gilets jaunes. Finis le silence et la solitude de l’extraordinaire décor blanc hérissé de roches couleur sang seché sous un ciel sans nuages parcouru pendant une semaine. Un monde Samivel pour débranchés des écrans. Rien à dire de particulier sur notre pain quotidien, les mille mètres de dénivelé journaliers de notre randonnée à skis à travers les Cerces, de refuge en refuge, je devrais plutôt parler d’hôtels d’altitude, avec demi-pension et douches chaudes, Chardonnet, Laval, Re Magi et son incontournable polenta, Ricou et son thé et pain d’epices d’accueil. Rien à signaler non plus sur notre itinéraire de cols en vallons et de vallons en crêtes: col du Chardonnet, crête de la Casse Blanche, col de la Tempète, col des Muandes, col du Vallon… Si, on se souviendra des rafales de vent, sur la crête des Gardioles montée en crampons, les skis sur le sac faisant voiles nous plaquant au sol, nous déséquilibrant au point de ne plus pouvoir avancer arcboutés sur les bâtons. Rebelote le lendemain aux cols du Chardonnet et de l’Aiguillette, en cherchant un itinéraire de descente sur des pentes glacées dans un temps virant subitement au gris et à la neige.

L’essentiel n’est pas là: je voudrais évoquer ici un miracle dont on n’a plus conscience tant il semble naturel, celui de s’offrir cette échappée, cette fugue, cette évasion, cet écart, cette équipée de rêve par un seul clic sur le site du CAF. J’ai bien conscience en l’écrivant de n’être qu’un affreux consommateur de loisirs pour classe moyenne, de surfer sur le travail bénévole des autres, ceux qui se sont formés, ont organisé la rondo pour aligner des étapes équilibrées, réuni des têtes connues et inconnues, retenu des places en refuge, versé des arrhes, trouvé les chauffeurs et nous avoir guidés dans l’extraordinaire décor blanc hérissé de roches couleur sang séché, merde, je me répète,… enfin je veux parler des bergers de notre petit troupeau, ceux qu’on appelle les encadrants, terme managérial barbare, ceux qui ont toujours le sourire et la solution aux problèmes rencontrés. Je ne veux pas les nommer, mais je les remercie. Le club itou.

J’en parle aussi parce que l’un d’eux conteste la forme du recyclage qui lui est demandé et décroche. Je lui dois des randonnées inoubliables en Autriche dans l’Ostzal et le Stubaï, en Italie dans l’Oertless, chez nous en Beaufortain, Lauzière, Champsaur, Dévoluy et autres pentes neigeuses. Il se reconnaitra. Je lui ai offert une bière minable au Lautaret avant de redescendre dans la vallée. C’est le moins que je pouvais faire pour celui qui m’a rempli la tête de paysages, d’amitiés montagnardes et de confiance en moi pendant ces dix dernières années.

Fev 2019, le CAFteur de service,

Snowy Allen

 Depuis Ricou, le Quereylim et chandelle du lac rouge

 Crête de Casse Blanche

au refuge du Chardonet au fond les écrins

François Jean Luc Jacques Philippe Patrick Allen Bruno Bernard